Applications
Nous donnons ci-dessous les principaux types d'utilisation et détaillerons par la suite les différentes applications avec les équipes impliquées.
Modélisation des changements climatiques
LMDZ est la composante atmosphérique du modèle intégré de climat de l'IPSL.Ce modèle est utilisé à la fois pour comprendre les variations passées du climat, depuis la reconstruction du climat des dernières décennies jusqu'aux paléoclimats lointains ou à l'étude de la terre primitive, et aussi pour essayer d'anticiper ses variations futures. Les simulations réalisées sur la base de différents scénarios d'émission de gaz à effet de serre contribuent notamment à la préparation des différents rapports du Giec. Pour ces études, LMDZ est couplé à un modèle de surface continentale (Orchidee), d'océan-glace (Nemo-Lim) ainsi qu'aux modèles de chimie-aérosol Inca et Reprobus. Cette modélisation intégrée induit de fortes contraintes sur le développement du modèle, aussi bien en terme de phasage et compatibilité des développements que de qualité du climat simulé. De même, ceci nécessite d'intégrer de nombreux diagnostics dans les modèles, afin d'alimenter les études de plus en plus nombreuses qui utilisent ces simulations.
Dans le cadre de l'anticipation du changement climatique, on demande également aux modèles atmosphériques de fournir des résultats de simulations qui soient plus robustes, plus pertinents, et ce non seulement pour la température mais aussi pour des grandeurs plus critiques telles que la pluie, les événements rares ou extrêmes, etc.
Une attention particulière est apportée notamment au réalisme et à la modification de ces différentes variables sur les régions habitées du globe. L'amélioration de la représentation de ces climats régionaux relève là aussi pour une bonne part de l'amélioration du contenu physique des modèles.
Pour des études focalisées sur une région particulière, on dispose également de configurations zoomées du modèle, avec une grille raffinée sur une région particulière. Des versions zoomées de LMDZ sont notamment impliquées dans des études régionales du climat sur les régions polaires, l'Europe, la Chine, l'Argentine, l'Afrique de l'Ouest, la région parisienne ...
Etude des mécanismes en jeu lors des changements climatiques
On sait que la représentation des processus atmosphériques (e.g. convection, couche limite, nuages, etc) joue un rôle majeur dans la dispersion des simulations de changements climatiques (sensibilité climatique, changements paléoclimatiques, changements de précipitations, etc). Cependant, l'identification des mécanismes climatiques responsables de cette dispersion et des processus dont il faudrait améliorer en priorité la représentation pour accroître la confiance dans les projections futures reste en grande partie une question ouverte.
Pour attaquer cette question, une approche consiste à analyser les expériences de changement climatique au moyen d'une hiérarchie de modèles (simulations couplées océan-atmosphère, simulations atmosphériques idéalisées, aqua-planètes, 1D, etc) de façon à identifier et à hiérarchiser plus facilement les principaux processus mis en jeu. Des tests observationnels spécifiques peuvent alors être proposés pour évaluer le réalisme de ces processus. Cette approche est suivie en particulier pour étudier les mécanismes mis en jeu dans les rétroactions nuageuses, dans l'amplification polaire des changements de température ou dans les changements de précipitation de mousson.
Une autre approche consiste à évaluer des simulations des variations lentes du climat (aux échelles décennales et plus) en utilisant des proxys tels que les différents isotopes de l'eau. Cela suppose soit de disposer d'une calibration robuste du lien proxys-variables climatiques, soit de modéliser directement ces proxys. LMDZ a été doté récemment d'une représentation des isotopes de l'eau (oxygène 18, deutérium, et bientôt oxygène 17). Ainsi il est désormais possible de comparer ces simulations aux données isotopiques disponibles dans la précipitation, l'atmosphère, les fleuves, la canopée, les glaciers tropicaux ou les calottes polaires. Cela permet de tester la capacité du modèle à simuler des changements paléoclimatiques (e.g. dernier maximum glaciaire, Holocène) ou séculaires (e.g. variabilité décennale au cours du dernier siècle). En retour, LMDZ aide à interpréter les proxys mesurés, et à mieux comprendre la dynamique des variations climatiques à toutes les échelles de temps.
Surveillance de l'environnement et détermination des sources et puits de CO2
LMDZ est utilisé pour le calcul du transport de constituants dans l'atmosphère et pour l'inversion du transport atmosphérique. Ces calculs sont effectués soit en mode direct, soit en mode rétro-transport pour des aspects de surveillance de l'environnement ou pour l'inversion des sources de certains constituants. LMDZ a notamment été impliqué en amont de la définition des réseaux de détection des radioéléments atmosphériques dans le cadre du traité d'interdiction totale des essais nucléaires et aujourd'hui dans l'inversion des sources et puits de CO2. Pour tous ces aspects également, le réalisme du modèle atmosphérique, aussi bien en terme de transport à grande échelle que de représentation des processus turbulents, convectifs et nuageux, est un enjeu majeur.
Paramétrisation des processus atmosphériques et analyse d'observations
Le dernier exercice CMIP (réalisation de projections du changement climatique pour alimenter le rapport du Giec) a montré l'arrivée à maturité d'un certain nombre d'outils de modélisation du climat, mais a souligné en même temps les progrès qui restent à faire dans la représentation des processus atmosphériques au travers de paramétrisations. La stratégie qui a émergé des programmes internationaux comme Eucrem, Eurocs ou GCSS constitue aujourd'hui un des socles du développement et de l'évaluation des paramétrisations. Il s'agit de réaliser, sur des domaines ayant la taille typique d'une maille horizontale de modèle de climat, des simulations tridimensionnelles avec des modèles non hydrostatiques dits des grands tourbillons (Les avec des mailles d'une centaine de mètres de côté) ou avec des modèles explicites de nuages (CRM). Ces simulations, souvent validées par rapport à des campagnes de terrain, sont ensuite utilisées pour développer et évaluer les paramétrisations dans des versions unidimensionnelles des modèles de climat. Cette approche a été largement utilisée pour le développement du nouveau jeu de paramétrisations physiques de LMDZ.
L'évaluation par confrontation à des observations de routine effectuées sur des observatoires atmosphériques, comme le Sirta, ou issues de longues campagnes de mesures est complémentaire aux études de cas. Elle permet de tester les modèles sur des échelles synoptiques, saisonnières, interannuelles voire climatique à faible coût numérique. Pour cette évaluation, le modèle LMDZ est utilisé en configuration zoomée, avec des mailles de quelques dizaines de kilomètres sur la région concernée, et ``guidée'' (nudged en anglais) par les analyses produites par les grands centres de prévision météorologique. Cette évaluation sur sites permet d'identifier les insuffisances des paramétrisations physiques, d'orienter les développements futurs et de tester de nouvelles approches.
Les nouvelles générations de satellites, comme Calipso ou Cloudsat sur la constellation A-train, permettent également une évaluation plus fine de la représentation des processus nuageux dans les modèles. Plutôt que de comparer les nuages du modèle à une climatologie établie par inversion des données satellites, on préfère effectuer des comparaisons au travers d'un imulateur d'observations spatiales. Le modèle LMDZ intègre notamment le simulateur Cosp co-développé par le LMD dans le cadre du projet CFMIP, qui inclut des simulateurs d'observable pour Calipso, Parasol, CloudSat, MISR et ISCCP. Les comparaisons peuvent être effectuées soit sur des situations observées, à partir de simulations guidées, soit de façon statistique pour des simulations climatiques (sans rappel vers la situation synoptique observée). On essaie alors en général de ``stratifier'' les observations en fonction du régime dynamique concerné.
Enfin, l'introduction récente de la représentation des processus de fractionnement isotopique pour les différents isotopes stables de l'eau dans LMDZ ouvre de nouvelles perspectives pour l'évaluation de la représentation des processus physiques : convection, microphysique nuageuse, processus de surface.
Modélisation du climat des planètes telluriques
Les années 90 ont connu une explosion de l'exploration spatiale des planètes telluriques. L'Agence Spatiale Européenne (Esa) a largement contribué à cet effort, avec en particulier les sondes Huygens (descendue dans l'atmosphère de Titan), Mars-Express et Vénus-Express. Des versions de LMDZ dédiées aux différentes atmosphères du système solaire ont été développées en lien avec ces missions. Plus récemment, la recherche de planètes extra-solaires a impulsé une nouvelle orientation à nos recherches.
Pour Mars, un véritable modèle du ``système Mars'' a été développé. Ce modèle représente les grands cycles climatiques martiens~: cycle des poussières (soulèvement et transport de poussière minérale capable de fortement chauffer l'atmosphère), cycle du CO2 (condensation saisonnière de l'atmosphère dans les calottes polaires et des nuages de glaces carboniques) et cycle de l'eau (en quantité très faible, mais capable de former nuages et givre). Sur cette base il a été possible de construire le premier modèle chimie-transport sur Mars - devenu la référence pour interpréter les observations d'ozone, de péroxyde d'hydrogène et de méthane - , de simuler les cycles des isotopes de l'eau et des dérivés radioactifs du radon, et enfin d'étendre LMDZ jusqu'à la thermosphère et la ionosphère en incluant l'ensemble des processus physiques actifs dans ces couches atmosphériques. Les sorties de cet ensemble sont appliquées au traitement d'observations et à la préparation de missions spatiales par plus d'une centaine d'équipes dans 18 pays via la ``Mars Climate Database'', un outil basé sur les sorties de LMDZ et développé avec le soutien du Cnes et de l'Esa. Par ailleurs, le modèle est utilisé pour simuler des variations climatiques générées par les oscillations des paramètres orbitaux ou de la composition atmosphérique. Ces travaux de paléoclimatologie ont contribué à expliquer plusieurs énigmes de la géologie martienne~: glaciers rocheux, sédiments glaciaires polaires, ravines creusées par l'eau liquide, rivières et lacs sur Mars il y a 4 milliards d'années.
Pour Titan, les études ont principalement porté sur les couplages entre la dynamique atmosphérique et la microphysique des brumes qui jouent un rôle très significatif dans le contrôle du climat . L'interaction entre la dynamique atmosphérique et la photochimie a également été étudiée, en lien avec l'observation spatiale des distributions de composés minoritaires comme l'éthane (C2H6), l'acétylène (C2H2)) ou le cyanure d'hydrogène (HCN). Ces composés interviennent également dans le transfert radiatif et dans la production de brumes . On achèvera ainsi la prise en compte des couplages gérant ce système atmosphérique.
Pour Vénus, une version spécifique de LMDZ a été développée pour accompagner la mission Vénus-Express. Ce modèle a permis de s'attaquer au phénomène de super-rotation également rencontré sur Titan. Comme sur Titan, il est nécessaire de développer la microphysique des nuages, ici constitués d'acide sulfurique concentré et couvrant l'ensemble de la planète, ainsi que la photochimie. Ces développements sont en cours, essentiellement au Latmos.
Nos travaux sont à présent étendus aux planètes extrasolaires telluriques qui commencent à être observées. Nous développons une version de LMDZ de plus en plus ``universelle'' (capable de simuler le climat pour une planète de taille, composition atmosphérique, orbite et étoile quelconques) afin d'explorer les régimes climatiques possibles sur ces planètes et de mieux comprendre les conditions nécessaires pour qu'une planète soit propice à l'eau liquide et à la vie.
Nous mentionnerons aussi le développement de versions de LMDZ pour Pluton (objectif de la mission Nasa New Horizons) et Triton (satellite de Neptune survolé par Voyager en 1989), dotés de fines atmosphères d'azote et de méthane en équilibre solide-gaz avec des calottes polaires, et à l'origine de brumes, nuages, dépôts éoliens, etc.
Le développement parallèle de ces différentes versions permet de mener des études croisées sur les divers régimes de circulation. Dans ce cadre des versions utilisant une physique simplifiée sont également développées pour isoler et mieux cerner les processus fondamentaux.